Ce qui frappe dès la première écoute de ce deuxième album porté par le duo composé de Maxime Perrin à l’accordéon et Samuel Theze à la clarinette, c’est l’équilibre fertile et solide du dialogue instrumental qu’ils poursuivent depuis quelques années déjà.
Un Balcon sur la vie
Nul besoin de les connaître pour le ressentir, leur amitié à la ville comme en studio s’y perçoit à l’oreille au fil des morceaux et de l’improvisation sous-jacente à l’avènement de ce nouvel album. Leur collaboration résonne et rayonne comme une évidence. L’accord parfait de deux personnalités artistiques qui se sont trouvées et font des merveilles, lestées de leurs instruments respectifs, complémentaires dans leurs textures sonores. Car “Un Balcon sur la vie” n’est rien de moins qu’une splendeur musicale aux humeurs mouvantes, tantôt joyeuses et virevoltantes, tantôt mélancoliques et graves.
Ce bel album qui nous cueille au sortir d’une période hivernale en manque de légèreté est une bulle d’air qui annonce avec l’ardeur de ses interprètes un printemps meilleur. Il a le don de nous plonger en nous-même autant que de nous inviter à l’escapade. On s’y promène, on y voyage, au gré de ces 13 titres porte-bonheur qui révèlent une inspiration libre et foisonnante, le goût de jouer et la joie de se renvoyer la balle à deux. Quand la clarinette mène la danse et s’envole, lâchant la bride à son allégresse, l’accordéon sait se montrer discret mais à l’écoute, la soutient sans faillir, comme un ami sur qui l’on peut compter les yeux fermés.
Quand l’accordéon et la clarinette se racontent de blagues
Quand l’accordéon prend les devants et caracole en tête toutes notes au vent ou au contraire égraine avec lenteur son flot lancinant et pénétrant, la clarinette baisse la tête, retient son souffle et distille ses réponses à bon escient, apportant sa couleur au noir et blanc. Quand les deux mêlent leurs mélopées, c’est une alchimie radieuse aux chromatismes éclatants.
On croirait presque qu’ils se parlent ces deux-là, discutent à bâtons rompus, accordéon et clarinette se racontant des blagues, riant sous cape, se confiant leurs craintes et leurs blessures, leurs rêves et leurs espoirs, comme le feraient deux amis de longue date se retrouvant un soir de pluie au comptoir d’un bar.
Il y a de la vie et de la vitalité assurément dans ce disque inclassable qui porte le jazz haut, à un niveau de liberté décomplexée, ouvrant ses horizons sur le monde, défiant les carcans, assumant ses influences tziganes et manouches avec panache et délicatesse.
deux invités doués et chaleureux
Reprise de Goran Bregovic (compositeur attitré des films d’Emir Kusturica), leur version instrumentale de “Baila Leila” nous entraine, via sa mélodie ondoyante, en territoire slave, sans prendre ombrage de l’original.Jamais prétentieux, au plus près des intentions des musiciens, en phase avec leurs états d’âme naviguant sur toute la gamme des émotions, “Un Balcon sur la vie” n’hésite pas à ouvrir sa porte à deux invités doués et chaleureux.
Olivier Cahours s’immisce à la guitare sur les fantastiques “L’Un de l’autre” et “2e souffle”, morceaux tressant les cordes de l’un avec le souffle des deux autres pour former un paysage en demi-teintes, des épousailles à trois sur fond de ciel voilé, clairsemé entre grisaille et trouées de soleil, tandis que Guillaume Farley apporte sa voix, basse et percussions également, sur “Un Évènement » (composition ironique et croustillante de son cru) et nous offre de redécouvrir une chanson de Bernard Lavilliers avec une reprise du titre éponyme de son album “Les Barbares” (datant de 1976) qui tranche avec le reste et apporte un groove inattendu autant que bienvenu.
Un Balcon sur la vie, une échappée musicale aux accents multiples
Grave et lumineux, “L’Arrestation” clôt cette échappée musicale aux accents multiples avec une suprême humilité, comme une marche funèbre annonçant dans un élan de rédemption, renaissance et jours nouveaux.