Accordéon jazz : héritages et actualité

L’accordéon jazz (ou jazz accordéon) n’est pas un concept récent. L’instrument s’impose en réalité sous sa forme définitive au début du xxe siècle, en Europe, au sein des orchestres de musique de rue et de musiques traditionnelles (du musette français à la musique tzigane ou klezmer).
Cette utilisation généralisée de l’accordéon pour les musiques populaires crée un contexte favorable à son imprégnation des répertoires musicaux en provenance d’Amérique du Nord, à la mode à cette période.
Fort d’un héritage de près de deux siècles, l’instrument n’a eu de cesse de s’adapter et d’évoluer. De progrès techniques en croisements culturels, l’accordéon s’est progressivement intégré à tous les styles de la musique moderne, notamment et surtout au jazz moderne.

De l’orgue à soufflet à l’accordéon : rappel historique

Depuis le début du xixe siècle, des avancées techniques brevetées ont progressivement mené à la conception de l’accordéon dans sa forme moderne. L’apparition de la anche libre puis de l’orgue à soufflet et la miniaturisation des mécanismes ont successivement contribué aux avancées menant à l’avénement du fisarmonica en Italie en 1863, instrument intégrant les caractéristiques de l’accordéon tel qu’on l’utilise encore à ce jour.

La portabilité de l’instrument (aussi appelé « piano à bretelles ») lui permet ensuite de se répandre au sein des orchestres populaires et traditionnels européens.

Jazz – accordéon : histoires parallèles et rencontre

Aux États-Unis, le ragtime apparaît en 1897, tirant ses sources du cake-walk, lui-même né autour de 1870. Les racines du jazz se mettent lentement en place chez nos cousins américains.

C’est à cette même époque que l’accordéon se répand en Europe. On le retrouve ainsi au début du siècle dernier largement utilisé pour la musique de rue, les bals ou dans les groupes de musique tzigane, et bien sûr en accompagnement des chansons populaires françaises.

Entre la fin du xixe  et le début du xxe siècle, les mélanges des musiques afro, euro-américaines et de buigine donnent naissance à diverses formes de jazz, allant du ragtime au blues, en passant par les marches funèbres ou nuptiales de La Nouvelle-Orléans, et bien sûr, le swing.

Dans les années 30, le jazz est importé en France où l’accordéon est principalement utilisé pour le musette, la musique de rue et la variété de l’époque. Un certain M. Viseur, marinier et accordéoniste, forme ses enfants à la pratique de cet instrument avant de venir s’installer sur les bords de Seine, permettant à son fils Gustave-Joseph Viseur de suivre des cours d’accordéon à Suresnes avant de commencer à jouer sur les marchés, les foires et les bals.

Avec l’import du swing, la France voit apparaître le jazz manouche, mélange de fast-swing, de musique gitane, de musette et chanson française. Le jazz manouche est caractérisé par un tempo élevé (comparable au be-bop) et une section rythmique essentiellement assurée par les guitares qui marquent le temps à coup de « pompes » effrénées. C’est l’époque où émergent des jazzmen français tels que Stéphane Grapelli, ou Django Reinhardt (Jean Reinhardt de son vrai nom) que l’on verra parfois accompagné par Gus Viseur (Gustave-Joseph), qui devint l’un, si ce n’est le pionnier de l’accordéon jazz.

Héritage et apport culturels

Gustave-Joseph Viseur a largement contribué, aux côtés d’artistes comme Dango Reinhardt ou Édith Piaf, à la constitution du répertoire jazz français et influencé par la suite nombre d’accordéonistes jazz. Marcel Lœffler avouera d’ailleurs avoir passé de nombreuses nuits blanches à déchiffrer les improvisations de son aîné. Au cours de sa carrière, M. Lœfller sera accompagné par des jazzmen aussi incontournables que Madino, Sony Reinhardt, Marcel Azzola (qui a inspiré à Jacques Brel le fameux « Chauffe Marcel ! »), Gérald Muller, ou Pascal Beck.

Dans le même temps, Richard Galliano découvre le jazz d’abord avec son père, Lucien, puis Claude Noël. Il apporte sa touche à l’accordéon jazz, notamment à la suite de sa rencontre avec Astor Piazzola. Il sera influencé par les accordéonistes majeurs du jazz latin (Art Van Damme, Felice Fugazza ou Dominguinhos) et sera ensuite amené à jouer avec de grands noms de la musique jazz à travers le monde : Ron Carter, Pierre Michelot, Al Foster, Didier Lockwood ou Michel Portal pour ne citer qu’eux.

La grande famille des accordéonistes français ne cessera de s’enrichir jusqu’à fin du siècle. On peut également citer à ce titre Joss Baseli, Jo Privat, Daniel Collin, Jean Corti, Armand Lassagne (Je vous recommande d’ailleurs d’écouter les CDs « Paris musette » chez Fremeaux comme autant d’exemples de musique populaire matinées de jazz et de swing au service de la danse).

Place de l’accordéon dans un jazz en mouvement

Entre la fin xixe et le début du xxe siècle, les apports successifs de musiques traditionnelles importées ont donc donné naissance à différents courants du jazz, du ragtime au blues, du swing au be-bop (sans oublier le jazz latin avec la bossa-nova ou les tangos argentins) pour en venir au jazz fusion (avec des artistes comme Frank Zappa, les groupes Sixun et Uzeb, ou plus récement Vincent Peirani avec l’album Living Being) et toutes les formes alternatives de jazz (free-jazz, jazz-funk, acid-jazz, etc).

La France n’aura de cesse de contribuer à cette histoire du jazz, d’abord en faisant la part belle au jazz américain, accueillant John Coltrane et Charlie Parker dans les clubs mythiques parisiens, puis au détour de rencontres entre musiciens provenant d’horizons variés, qui forgeront l’esprit jazz français.

Jazz et accordéon : l’histoire en mouvement

Ce sont ces apports successifs qui ouvrent la voie au renouveau des accordéonistes jazz français comme Daniel Mille (qui joua avec Richard Galliano), Jean-Louis Matinier ou plus récemment David Venituci, Vincent Peirani, Christophe Girard, Didier Ithursarry, Marc Berthoumieux ou plus récemment David Venituci, Vincent Peirani, Christophe Girard, Didier Ithursarry, Laurent Derache (sans oublier pour le clin d’œil, votre humble serviteur Maxime Perrin). 😉

Il est aujourd’hui très fréquent de voir chacun de ces accordéonistes contribuer aux projets d’autres musiciens, créant une émulation artistique et un renouvellement stylistique continu de l’accordéon dans le jazz.

Richard Galliano a ainsi collaboré avec Brigitte Fontaine, Al Foster, Chet Baker, Charles Aznavour et Michel Portal ; Vincent Peirani, côtoie régulièrement Émile Parisien, Michel Portal (décidément incontournable), Marcel Azzolla, Louis Winsberg ou Médéric Collignon ; Jean-Louis Matinier joua longtemps avec l’Orchestre national de jazz sous la direction de Claude Barthelemy ou avec Renaud Garcia Fons.

J’ai pour ma part invité Thiery Maillard, Nicolas Genest et Jeam-Marie Écay sur Esperanto, le dernier album d’Anamorphoses, et je dois avouer que l’apport artistique de ces musiciens talentueux contribue largement au résultat du disque.

Chacun de ces musiciens se forge donc une identité propre grâce aux apports et rencontres réalisées au quotidien et offre un son toujours renouvelé de l’accordéon jazz.

L’accordéon jazz : une actualité à suivre

L’accordéon jazz produit aujourd’hui tellement de talents qu’il serait un peu long d’en faire la liste de manière exhaustive dans cet article. Je vous propose donc de suivre régulièrement mes découvertes et coups de cœur, et pourquoi pas, de vous exprimer vous aussi sur ces productions musicales.

 

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